5 septembre 2024
Depuis quelques mois, un arrêt de la Cour de cassation de 2023 (https://www.courdecassation.fr/decision/64085bce66b1bafb02f11fb0?search_api_fulltext=&date_du=&date_au=&judilibre_juridiction=cc&judilibre_chambre%5B0%5D=soc&judilibre_publication%5B0%5D=b&op=Rechercher%20sur%20judilibre&previousdecisionpage=0&previousdecisioni ) a ouvert une nouvelle voie pour les salariés qui soupçonnent une inégalité salariale : le droit à la preuve. Derrière ce concept, il s’agissait pour une salariée de pouvoir accéder aux bulletins de paie de ses collègues masculins occupant des postes équivalents afin de démontrer une discrimination salariale. Ce dispositif, bien qu’intéressant en théorie, est cependant complexe à activer et présente de nombreuses embûches pour les salariés qui s’y aventurent.
Tout d’abord, il est important de rappeler que les bulletins de salaire sont des documents confidentiels, relevant de la vie privée des salariés. Autrement dit, un employeur ne peut pas les divulguer sans autorisation préalable. Seul un juge peut lever cette confidentialité, ce qui implique donc pour un(e) salarié(e) de s’adresser aux prud’hommes pour lancer une procédure. Dans cette démarche, il est souvent recommandé de faire appel à un avocat spécialisé en droit du travail, car l’employeur, de son côté, ne viendra certainement pas seul.
Mais avant même d’accéder aux bulletins de salaire, le ou la salarié(e) doit fournir un « faisceau d’indices » pour convaincre le juge qu’il existe une raison légitime de penser qu’une inégalité salariale est présente. Ce point constitue déjà une barrière importante, car il est difficile d’obtenir des preuves préalables. Les salarié(e)s se retrouvent souvent dans une situation où tout est basé sur des rumeurs ou des discussions informelles.
Ensuite, même si le juge accepte de lever la confidentialité des bulletins de paie, il est nécessaire de « comparer ce qui est comparable ». La demande doit concerner les salaires de collègues occupant des postes strictement équivalents en termes de responsabilités et de compétences. Cette équivalence doit être justifiée par des éléments tangibles, et non par une simple similitude dans l’intitulé du poste. Les entreprises ne manquent d’ailleurs pas de souligner la diversité des profils pour justifier des écarts de rémunération, arguant de différences de parcours, d’ancienneté ou encore de performances.
Le recours au droit à la preuve ne garantit donc pas un gain facile. Une fois les bulletins obtenus, le ou la salarié(e) n’a pas encore gagné la bataille. Après l’obtention des documents, il faut encore prouver que l’inégalité est bien présente et que l’employeur ne dispose d’aucune justification objective pour les différences salariales constatées.
Face à cette lourdeur procédurale, il est souvent meilleur de suivre une autre voie. Il est possible de solliciter le conseil des prud’hommes dans le cadre de la procédure classique, en commençant par une audience de conciliation. Au cours de cette étape, les avocats peuvent demander la communication des bulletins de salaire de manière plus fluide. Cela permet d’éviter de multiplier les procédures et de gagner en efficacité.
Il est donc essentiel pour les employeurs d’anticiper ces situations. Une gestion proactive des questions d’égalité salariale, notamment en menant régulièrement des audits internes et en ajustant les politiques de rémunération, peut éviter ce type de contentieux. Les chefs d’entreprise et les experts-comptables doivent être particulièrement vigilants sur ces questions, car les conséquences juridiques et financières d’une discrimination avérée peuvent être lourdes, sans compter l’impact sur la réputation de l’entreprise.
Vos pratiques dans le domaine de la paie sont-elles conformes ?
Dans ce domaine, les entreprises doivent être prêtes à se défendre en prouvant que les différences de rémunération sont justifiées par des critères objectifs. C’est aussi l’occasion pour les employeurs d’adopter des pratiques de transparence et de conformité qui peuvent éviter de lourds litiges.