28 juin 2023
La jurisprudence est l’interprétation du droit par les tribunaux. Il arrive dans certains cas qu’elle précise, complète ou crée des droits pour les salariés.
Les tribunaux ont pour rôle de trancher des conflits entre personnes en appliquant la règle de droit telle qu’elle résulte des lois, règlements, ordonnances, etc., ainsi que des conventions collectives.
Lorsqu’un conflit individuel surgit entre un employeur et un salarié, l’une ou l’autre des parties peut saisir le conseil de prud’hommes, tribunal compétent pour les conflits de travail individuels.
Il examine les faits tels qu’ils sont exposés par les parties et les preuves apportées à l’appui du demandeur et du défenseur, il entend les témoins, ordonne au besoin toutes mesures d’instruction qu’il estime nécessaires (expertise, enquête…) puis tranche le conflit en appliquant la règle de droit.
En principe, il n’est pas tenu de rendre une décision identique s’il juge deux cas similaires : les jugements n’ont pas une portée générale.
Cependant, il semble bien difficile pour un tribunal de se
« déjuger » en rendant des décisions qui seraient contradictoires les unes avec les autres. S’il en était ainsi, il verrait inéluctablement ses décisions infirmées en appel ou annulées en Cour de cassation.
C’est pourquoi, lorsque les juridictions, à tous les niveaux, ont dégagé une règle applicable à une situation donnée, elles appliquent en général cette règle à toutes les situations identiques ou similaires.
Dans certains cas, les tribunaux n’ont pas à faire preuve d’originalité, il leur suffit d’appliquer purement et simple- ment un texte.
Exemple : un salarié a reçu une indemnité de licenciement égale à l’indemnité légale prévue par l’article L. 1234-9 du Code du travail. Il réclame devant le conseil de prud’hommes le paiement d’une indemnité d’un montant plus important en se basant sur le texte de sa convention collective. Les juges, après avoir vérifié que ce salarié remplit bien toutes les conditions exigées par ce texte, condamneront l’employeur à verser l’indemnité conventionnelle.
Dans d’autres cas, en revanche, les tribunaux doivent régler une situation nouvelle. Lorsque le texte s’y rapportant a un caractère général ou abstrait, il est alors indispensable de l’interpréter pour pouvoir l’appliquer à un cas concret particulier.
Exemple : la loi n’autorise l’employeur à licencier un salarié que s’il justifie de « causes réelles et sérieuses », mais elle ne donne pas la définition de celles-ci, chaque situation concrète ayant un caractère particulier.
Faire une liste exhaustive de toutes les causes réelles et sérieuses de licenciement est impensable. Elle serait à la fois trop longue et incomplète.
C’est donc aux tribunaux qu’il appartient de définir, à travers les cas qui leur sont soumis, en quoi consiste une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Ce faisant, ils créent des droits, on dit qu’ils font jurisprudence. Dans un cas analogue, les juges se reporteront aux arrêts antérieurs pour rendre, en général, une décision identique.
La jurisprudence est également indispensable lorsque le texte à appliquer n’est pas clair ou peut être interprété de différentes manières.
Ce sont les tribunaux qui décident, sous le contrôle de la Cour de cassation, comment le texte doit être interprété.
Bien souvent, dans ce cas, la solution résulte de l’interprétation combinée de plusieurs textes.
Exemple : le Code du travail prévoit que l’employeur ne peut licencier un représentant du personnel sans obtenir
une autorisation préalable de l’inspecteur du travail. La question se posait de savoir si cette procédure devait être respectée en cas de mise à la retraite par l’employeur d’un salarié protégé. La Cour de cassation a décidé qu’effective- ment cette procédure devait être respectée dans cette situation, l’employeur ne pouvant soustraire de tels salariés à la protection exceptionnelle que les législateurs ont entendu leur concéder.
Le conseil des prud’hommes sait aussi prendre part au débat juridique, comme certains conseils l’ont montré en invalidant le « barème Macron » des indemnités prud’homales, l’estimant contraire au droit international.
Si l’un des plaideurs (ou les deux) n’est pas d’accord avec la décision rendue, il peut, sous certaines conditions, soumettre à nouveau le conflit devant la cour d’appel (chambre sociale) qui va juger l’affaire une seconde fois.
Les arrêts de la cour d’appel peuvent également faire jurisprudence.
L’arrêt de la cour d’appel peut être soumis à la Cour de cassation, la plus haute juridiction, mais celle-ci ne juge pas une troisième fois : elle a seulement pour rôle de veiller à ce que la règle du droit (la loi, les règlements, les conventions collectives, etc.) soit correctement appliquée par les tribunaux.
Les arrêts de la Cour de cassation ont une grande autorité. Ce sont eux principalement qui forment la jurisprudence.
Bon à savoir : Réunie en assemblée plénière, la Cour de cassation a admis, qu’en cas de revirement de jurisprudence, un justiciable peut demander à bénéficier d’une évolution de jurisprudence intervenue depuis la première cassation, à condition toute fois qu’il se trouve toujours dans les conditions de délai pour exercer un pourvoi en cassation. Dans l’affaire qui donne lieu à cette importante évolution du droit,le revirement de jurisprudence concernait la réparation du préjudice d’anxiété lié à l’exposition à l’amiante d’un salarié (Voir Question no280). Le salarié a ainsi pu se prévaloir de ce revirement de jurisprudence car il se trouvait encore dans les conditions de délai pour exercer un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel de renvoi du 5 juillet 2018, celui-ci ne lui ayant pas été signifié (Cass., Ass. plénière, 2 avril 2021, n° 19- 18.814).