14 septembre 2024
Quand un dirigeant d’entreprise envisage l’acquisition de locaux professionnels, le choix du mode de détention de l’immobilier s’avère bien plus complexe qu’il n’y paraît à première vue. En effet, ce choix est susceptible d’avoir des conséquences juridiques et fiscales majeures qui devront être évaluées à la lumière des objectifs patrimoniaux précis du dirigeant. Que ce soit pour préparer une cession, organiser une transmission ou simplement obtenir des revenus complémentaires à terme, une analyse globale préalable est indispensable.
Plusieurs stratégies de détention peuvent être envisagées, parmi lesquelles on retrouve l’acquisition directe par le dirigeant, l’acquisition via la société d’exploitation, ou encore l’acquisition par le biais d’une société immobilière dédiée, qui peut être soit conservée dans le patrimoine personnel du dirigeant, soit détenue via une holding.
Le choix de la forme sociale et du régime fiscal est aussi primordial, notamment lorsqu’il s’agit de détenir un bien par le biais d’une société civile immobilière (SCI). À ce titre, la forme sociétaire, qu’elle soit à l’impôt sur le revenu (IR) ou à l’impôt sur les sociétés (IS), aura des implications importantes.
La détention via la société d’exploitation présente des avantages notables. Les biens affectés à une activité professionnelle – qu’elle soit industrielle, commerciale, artisanale ou libérale – ne sont pas soumis à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). Le chef d’entreprise, tout comme ses associés, bénéficie ainsi d’une exonération sur la valeur des locaux d’exploitation, sans qu’il soit nécessaire de remplir les conditions généralement exigées pour qualifier un bien de professionnel (comme la détention de plus de 25 % des parts ou l’exercice d’un mandat de direction). En cas de transmission à titre gratuit, ce mode de détention permet par ailleurs de bénéficier de l’exonération partielle Dutreil.
Sur le plan fiscal, les charges liées à la propriété de l’immeuble sont déductibles du résultat d’exploitation, incluant les frais d’acquisition tels que les frais de notaire, les droits de mutation, les commissions d’intermédiation, ainsi que l’amortissement des constructions. Toutefois, le revers de la médaille est que, lors de la cession de l’immeuble, la plus-value sera soumise à l’impôt sur les sociétés, et le chef d’entreprise devra faire face à une fiscalité personnelle sur les distributions de résultat (prélèvement forfaitaire unique ou barème IRPP).
La détention via une SCI est également une option très courante. Si l’objectif est de conserver le bien sur le long terme, ce schéma permet d’intégrer l’immobilier au patrimoine privé du dirigeant tout en en percevant des revenus complémentaires. Le choix du régime fiscal entre l’impôt sur le revenu (IR) et l’impôt sur les sociétés (IS) est un point clé. Le régime IS peut paraître plus avantageux à court terme, avec des taux d’imposition des premiers bénéfices relativement faibles. Toutefois, à long terme, les « frottements fiscaux » liés aux distributions de revenus peuvent alourdir la note. Par exemple, la fiscalité applicable aux distributions d’une SCI à l’IS peut atteindre jusqu’à 30 %, prélèvements sociaux inclus, rendant la comparaison IR/IS complexe et délicate.
Une autre solution alternative à la SCI est la société en commandite simple (SCS), qui présente des particularités intéressantes, notamment une distinction claire entre commandités et commanditaires. Les commanditaires voient leur responsabilité limitée à leurs apports, tandis que les commandités ont une responsabilité indéfinie et assurent la gestion de la société. Cette forme juridique permet une hybridation fiscale entre les avantages de l’IS pour les résultats courants et ceux de l’IR pour les plus-values exceptionnelles, tels que les gains réalisés lors de la cession de l’actif.
Enfin, l’utilisation du démembrement de propriété est une stratégie particulièrement intéressante pour la détention d’immobilier professionnel. Dans ce contexte, le nu-propriétaire ne perçoit aucun revenu imposable pendant la durée du démembrement, ce qui lui permet d’éviter toute fiscalité durant cette période. En revanche, l’usufruitier, généralement la société d’exploitation, peut utiliser le bien et déduire de son résultat fiscal de nombreuses charges : frais d’acquisition, intérêts d’emprunt, amortissement de l’usufruit, etc. Cette approche est particulièrement adaptée lorsque le cédant est une personne morale, offrant des avantages fiscaux non négligeables lors de la cession de l’usufruit.
La stratégie optimale pour la détention de locaux professionnels ne peut donc pas être déterminée de manière uniforme, car elle dépend des objectifs précis du dirigeant, de la situation de l’entreprise, et des conséquences fiscales à court et à long terme. Une évaluation complète et rigoureuse de chaque option est indispensable afin de minimiser les risques et maximiser les bénéfices, tant sur le plan financier que patrimonial.